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Page:Webster - La Duchesse de Malfi, 1893, trad. Eekhoud.djvu/46

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Le cardinal. — Celui qui eut l’honneur de faire prisonnier le roi de France…

Malatesti. — Lui-même. Veuillez prendre connaissance de ce projet de nouvelles fortifications pour Naples ?

Ferdinand. — Ainsi ce grand comte Malatesti a obtenu du service ?

Délio. — Pas précisément, Monseigneur. Une note marginale dans le registre-matricule le renseigne comme simple volontaire…

Ferdinand. — Ce n’est pas un soldat.

Délio. — Il ne connaît la poudre que pour en avoir plombé ses dents cariées afin de combattre l’odontalgie.

Silvio. — Il se rend au camp dans l’intention bien arrêtée de ne se nourrir que de bœuf et d’oignons et une fois blasé sur la nouveauté de ce régime, il s’en retournera droit à la cour…

Délio. — Il ne connaît la dernière campagne que par la chronique de la ville : deux peintres sont attachés à son service pour lui représenter des batailles… en effigie.

Silvio. — Il se battra donc dans son fauteuil.

Délio. — Et poussera la précaution jusqu’à consulter l’almanach, afin de ne rien entreprendre les jours néfastes. En attendant, tout comme un preux, il arbore les couleurs de sa maîtresse.

Silvio. — Oui, à l’en croire, il accomplirait des prodiges pour cette écharpe de soie…

Délio. — Il irait même jusqu’à déserter le champ de bataille pour empêcher ce gage de tomber aux mains de l’ennemi.

Silvio. — Dame ! il a peur que l’odeur de la poudre n’en altère le parfum.

Délio. — Un jour, un Hollandais, qu’il s’était permis d’appeler pot à bière, lui fit dans la tête un trou large comme la gueule d’un canon…

Silvio. — Quel dommage que ce Hollandais n’y ait pas ajouté la lumière ! Ce n’est vraiment qu’un cheval de parade, pour figurer dans les cortèges de la cour.


Entre BOSOLA


Pescara. — Bosola ici ! Quel vent nous l’amène. Quelque querelle entre les cardinaux. Les discordes des grands rappellent les renards d’Annibal ; les torches enflammées attachées à leur queue épargnent l’ennemi puissant mais ruinent le pauvre monde.

Silvio. — Qu’est-ce que ce Bosola ?

Délio. — À Padoue, où je l’ai connu, c’était un écolier méticuleux, un de ces fesse-cahiers qui retiennent le nombre de nœuds de la