Page:Weil - Écrits de Londres et dernières lettres, 1957.djvu/138

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sans limite. Mais dans les deux cas la croissance matérielle du parti devient l’unique critère par rapport auquel se définissent en toutes choses le bien et le mal. Exactement comme si le parti était un animal à l’engrais, et que l’univers eût été créé pour le faire engraisser.

On ne peut servir Dieu et Mammon. Si on a un critère du bien autre que le bien, on perd la notion du bien.

Dès lors que la croissance du parti constitue un critère du bien, il s’ensuit inévitablement une pression collective du parti sur les pensées des hommes. Cette pression s’exerce en fait. Elle s’étale publiquement. Elle est avouée, proclamée. Cela nous ferait horreur si l’accoutumance ne nous avait pas tellement endurcis.

Les partis sont des organismes publiquement, officiellement constitués de manière à tuer dans les âmes le sens de la vérité et de la justice.

La pression collective est exercée sur le grand public par la propagande. Le but avoué de la propagande est de persuader et non pas de communiquer de la lumière. Hitler a très bien vu que la propagande est toujours une tentative d’asservissement des esprits. Tous les partis font de la propagande. Celui qui n’en ferait pas disparaîtrait du fait que les autres en font. Tous avouent qu’ils font de la propagande. Aucun n’est audacieux dans le mensonge au point d’affirmer qu’il entreprend l’éducation du public, qu’il forme le jugement du peuple.

Les partis parlent, il est vrai, d’éducation à l’égard de ceux qui sont venus à eux, sympathisants, jeunes, nouveaux adhérents. Ce mot est un mensonge. Il s’agit d’un dressage pour préparer l’emprise bien plus rigoureuse exercée par le parti sur la pensée de ses membres.

Supposons un membre d’un parti — député, candidat à la députation, ou simplement militant — qui