Page:Weil - Écrits de Londres et dernières lettres, 1957.djvu/146

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ment aperçu dans l’action et la propagande de ce parti des choses qui lui ont paru justes et bonnes. Mais il n’a jamais étudié la position du parti relativement à tous les problèmes de la vie publique. En entrant dans le parti, il accepte des positions qu’il ignore. Ainsi il soumet sa pensée à l’autorité du parti. Quand, peu à peu, il connaîtra ces positions, il les admettra sans examen.

C’est exactement la situation de celui qui adhère à l’orthodoxie catholique conçue comme fait saint-Thomas.

Si un homme disait, en demandant sa carte de membre : « Je suis d’accord avec le parti sur tel, tel, tel point ; je n’ai pas étudié ses autres positions et je réserve entièrement mon opinion tant que je n’en aurai pas fait l’étude », on le prierait sans doute de repasser plus tard.

Mais en fait, sauf exceptions très rares, un homme qui entre dans un parti adopte docilement l’attitude d’esprit qu’il exprimera plus tard par les mots : « Comme monarchiste, comme socialiste, je pense que… » C’est tellement confortable ! Car c’est ne pas penser. Il n’y a rien de plus confortable que de ne pas penser.

Quant au troisième caractère des partis, à savoir qu’ils sont des machines à fabriquer de la passion collective, il est si visible qu’il n’a pas à être établi. La passion collective est l’unique énergie dont disposent les partis pour la propagande extérieure et pour la pression exercée sur l’âme de chaque membre.

On avoue que l’esprit de parti aveugle, rend sourd à la justice, pousse même d’honnêtes gens à l’acharnement le plus cruel contre des innocents. On l’avoue, mais on ne pense pas à supprimer les organismes qui fabriquent un tel esprit.

Cependant on interdit les stupéfiants.

Il y a quand même des gens adonnés aux stupéfiants.