Page:Weil - Écrits de Londres et dernières lettres, 1957.djvu/169

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pardonne nécessairement toute offense à Dieu, toute offense étant un mal fini, et Dieu étant le Bien infini et sans mélange. L’offenseur — s’il nous a fait du mal injustement — n’est qu’une pièce du mécanisme universel de la matière, qui a été disposé par la Sagesse divine. Mais il en est de même pour le mal que nous avons fait. Nous pouvons nous pardonner à nous-mêmes par la même considération.



« L’amor che muove il sole e l’altre stelle. » Par-delà Aristote, c’est la pensée d’antiquité sans doute immémoriale exprimée par l’hymne de Cléanthe : « Telle est la vertu du serviteur. » Idée perdue aujourd’hui (depuis la Renaissance ? depuis la grande industrie ?) que même sur la matière inerte Dieu règne exclusivement par l’Amour.

Comment régnerait-il autrement que par l’Amour, puisqu’il est uniquement le Bien ?

S’il régnait par autre chose, comment l’univers serait-il beau ?

Si l’homme doit imiter Dieu, le pouvoir que l’homme exerce aujourd’hui sur la matière ne paraît pas être de l’espèce qui répond à sa vocation.

« Chacun volontiers obéit en tout à l’Amour. »



« Black Bull. » Dieu vient à l’âme dépouillé de toute splendeur. Il vient seulement comme quelque chose qui demande à être aimé.

Il ne peut montrer aucun titre à être aimé, sinon qu’il est le Bien absolu.

Cela est équivalent au néant pour toute la partie créée, mortelle, charnelle de l’âme. Par rapport à cette