Page:Weil - Écrits de Londres et dernières lettres, 1957.djvu/203

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Là-dessus j’aurais beaucoup à vous dire, mais oralement, non par lettre.

Il me semble donc que le mieux est de m’assigner une tâche provisoire, que vous pouvez facilement me choisir vous-même, car vous me connaissez assez pour cela, de manière à me faire venir à Londres rapidement, le plus rapidement possible ; et ensuite on pourrait me transférer à la fonction qui conviendrait le mieux, après avoir causé à loisir. J’accepterais n’importe quelle tâche provisoire n’importe où — dans la propagande ou la presse, par exemple, mais ailleurs aussi bien. Seulement, s’il s’agit d’une fonction ne comportant pas un degré élevé de souffrance et de danger, je ne pourrais l’accepter qu’à titre provisoire ; autrement le même chagrin qui me consume à New York me consumerait à Londres, et me paralyserait. Il est malheureux d’avoir un caractère ainsi fait ; mais réellement je suis comme cela et je n’y puis rien ; c’est quelque chose de trop essentiel en moi pour être modifié. D’autant plus que ce n’est pas, j’en ai la certitude, une question de caractère seulement, mais de vocation.

Le projet que je vous avais envoyé aurait parfaitement satisfait mes besoins à cet égard, et je suis bien malheureuse qu’A. Ph. le croie impraticable. J’avoue que malgré cela je n’ai pas perdu toute espérance qu’il se réalise quelque jour, tant j’ai le sentiment, depuis longtemps déjà, que c’est une chose qui doit s’accomplir.

Mais de toute manière d’autres tâches conviennent mieux au moment actuel, et je suis avide de m’y donner le plus vite possible.

Seulement faites-moi venir. Je sais que c’est difficile en ce moment. Mais je sais aussi qu’il y a des gens qui partent, y compris des femmes. J’espère très vivement que vous pourrez quelque chose pour moi. S’il était possible qu’A. Ph. m’emmène dans ses bagages,