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tions publiques n’ont d’autre signification que la possibilité de faire du bien aux hommes, et ceux qui les assument avec bonne intention veulent répandre du bien sur leurs contemporains ; mais ils commettent généralement l’erreur de croire qu’ils pourront d’abord eux-mêmes l’acheter au rabais.

Les mots de la région moyenne, droit, démocratie, personne, sont de bon usage dans leur région, celle des institutions moyennes. L’inspiration dont toutes les institutions procèdent, dont elles sont comme la projection, réclame un autre langage.

La subordination de la personne au collectif est dans la nature des choses comme celle du gramme au kilogramme sur une balance. Mais une balance peut être telle que le kilogramme cède au gramme. Il suffit qu’un des bras soit plus de mille fois plus long que l’autre. La loi de l’équilibre l’emporte souverainement sur les inégalités de poids. Mais jamais le poids inférieur ne vaincra le poids supérieur sans une relation entre eux où soit cristallisée la loi de l’équilibre.

De même la personne ne peut être protégée contre le collectif, et la démocratie assurée, que par une cristallisation dans la vie publique du bien supérieur, qui est impersonnel et sans relation avec aucune forme politique.

Le mot de personne, il est vrai, est souvent appliqué à Dieu. Mais dans le passage où le Christ propose Dieu même aux hommes comme le modèle d’une perfection qu’il leur est commandé d’accomplir, il n’y joint pas seulement l’image d’une personne, mais surtout celle d’un ordre impersonnel : « Devenez les fils de votre Père, celui des cieux, en ce qu’il fait lever son soleil sur les méchants et les bons et tomber sa pluie sur les justes et les injustes. »

Cet ordre impersonnel et divin de l’univers a pour image parmi nous la justice, la vérité, la beauté. Rien