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La beauté elle-même, c’est le Fils de Dieu. Car il est l’image du Père, et le beau est l’image du bien.

La fin du livre de Job et les premiers vers prononcés par Prométhée dans la tragédie d’Eschyle indiquent une liaison mystérieuse entre la douleur et la révélation de la beauté du monde.


Divin ciel, rapides ailes des vents,
ô fleuves et leurs sources, ô de la mer et des flots,
innombrable sourire, et toi, mère de tout, terre,
et celui qui voit tout, le cercle du soleil, je vous appelle ;
voyez-moi, ce que les dieux font souffrir à un dieu.

(V. 88 sq.)


Bien entendu, la joie aussi est une manière dont la beauté entre en nous, même les joies les plus grossières, pourvu qu’elles soient innocentes.

Sur la beauté des sciences comme un des échelons les plus élevés sur la voie qui mène vers la Beauté elle-même, c’est-à-dire vers l’Image de Dieu, il y a quelques lignes de Platon dans le Banquet. Sur l’usage de la douleur et de la joie, il y a une indication dans le Philèbe. Voir les deux plus loin.

L’idée essentielle du Timée c’est que le fond, la substance de cet univers où nous vivons, est amour. Il a été créé par amour et sa beauté est le reflet et le signe irréfutable de cet amour divin, comme la beauté d’une statue parfaite, d’un chant parfait est le reflet de l’amour surnaturel qui emplit l’âme d’un artiste vraiment inspiré.

De plus, ce qui est un rêve pour tout sculpteur, le rêve de sculpter une statue qui soit faite d’âme et de chair, Dieu le réalise. Il a donné une âme à sa statue et cette âme est identique à lui-même.

Quand on voit un être humain véritablement beau, ce