Page:Weil - L’Enracinement, 1949.djvu/202

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cations presque nulles que nous possédons prouvent assez que tout cela est du mensonge.

L’art gaulois ne risque pas d’être l’objet de mémoires de la part de nos archéologues, parce que la matière en était le bois. Mais la ville de Bourges était une si pure merveille de beauté que les Gaulois perdirent leur dernière campagne faute d’avoir le courage de la détruire eux-mêmes. Bien entendu, César la détruisit, et massacra du même coup la totalité des quarante mille êtres humains qui s’y trouvaient.

On sait par César que les études des Druides duraient vingt ans et consistaient à apprendre par cœur des poèmes concernant la divinité et l’univers. La poésie gauloise contenait donc en tout cas une quantité de poèmes religieux et métaphysiques telle qu’elle constituait la matière de vingt ans d’études. À côté de l’incroyable richesse suggérée par cette seule indication, la poésie latine, malgré Lucrèce, est quelque chose de misérable.

Diogène Laërce dit qu’une tradition attribuait à la sagesse grecque plusieurs origines étrangères, parmi lesquelles les Druides de Gaule. D’autres textes indiquent que la pensée des Druides s’apparentait à celle des Pythagoriciens.

Ainsi il y avait dans ce peuple une mer de poésie sacrée dont les œuvres de Platon peuvent seules nous permettre de nous représenter l’inspiration.

Tout cela disparut quand les Romains exterminèrent, pour crime de patriotisme, la totalité des Druides.

Il est vrai que les Romains ont mis fin aux sacrifices humains pratiqués, disaient-ils, en Gaule. Nous ne savons rien sur ce qu’ils étaient, sur la manière et l’esprit dans lesquels ils étaient pratiqués, si c’était un mode d’exécution des criminels ou une mise à mort d’innocents et, en ce dernier cas, si c’était avec consentement ou non. Le témoignage des Romains est très vague et ne saurait être admis sans méfiance. Mais ce que nous savons avec certitude, c’est que les Romains ont institué eux-mêmes en Gaule et partout la mise à mort de milliers d’innocents, non pas pour honorer les dieux, mais pour amuser les foules. C’était l’institution romaine par excellence, celle qu’ils transportaient partout ; eux que nous osons regarder comme des civilisateurs.