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La moyenne proportionnelle était à leurs yeux l’image de la médiation divine entre Dieu et les créatures. Les travaux mathématiques des Pythagoriciens avaient pour objet la recherche de moyennes proportionnelles entre nombres qui ne font pas partie d’une même progression géométrique, par exemple entre l’unité et un nombre non carré. Le triangle rectangle leur a fourni la solution. Le triangle rectangle est le réservoir de toutes les moyennes proportionnelles. Mais dès lors qu’il est inscriptible dans le demi-cercle, le cercle se substitue à lui pour cette fonction. Ainsi le cercle, image géométrique de Dieu, est la source de l’image géométrique de la Médiation divine. Une rencontre aussi merveilleuse valait un sacrifice.

La géométrie est ainsi un double langage, qui en même temps donne des renseignements sur les forces qui sont en action dans la matière, et parle des relations surnaturelles entre Dieu et les créatures. Elle est comme ces lettres chiffrées qui paraissent également cohérentes avant et après le déchiffrage.

Le souci du symbole a complètement disparu de notre science. Néanmoins il suffirait de s’en donner la peine pour lire facilement, dans certaines parties au moins de la mathématique moderne, comme la théorie des ensembles ou le calcul intégral, des symboles aussi clairs, aussi beaux, aussi pleins de signification spirituelle que celui du cercle et de la médiation.

De la pensée moderne à la sagesse antique le chemin serait court et direct, si l’on voulait le prendre.

Dans la philosophie moderne sont apparues un peu partout, sous différentes formes, des analyses susceptibles de préparer une théorie complète de la perception sensible. La vérité fondamentale que révèlerait une telle théorie, c’est que la réalité des objets perçus par les sens ne réside pas dans les impressions sensibles, mais uniquement dans les nécessités dont les impressions constituent les signes.

Cet univers sensible où nous sommes n’a pas d’autre réalité que la nécessité ; et la nécessité est une combinaison de relations qui s’évanouissent dès qu’elles ne sont pas soutenues par une attention élevée et pure. Cet univers autour de nous est de la pensée matériellement présente à notre chair.

La science, dans ses différentes branches, saisit à travers tous