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FRAGMENTS[1]



Organisation bureaucratique de l’usine : — les bureaux, organes de coordination, sont l’âme de l’usine. Les procédés de fabrications (y compris les secrets) y résident. C’est pourquoi on y diminue moins le personnel que dans les ateliers, où sauf chefs d’ateliers, contremaîtres, magasiniers, etc., tout est interchangeable. Les manœuvres principalement, bien entendu ; mais même les ouvriers qualifiés. Un tourneur de chez Alsthom pourrait être remplacé par un de chez Citroën que personne ne s’en apercevrait. (Si un ouvrier qualifié est attaché à l’entreprise, c’est uniquement par l’intermédiaire de la machine, surtout dans le cas du fraiseur.)

Chez les ouvrières (manœuvres), aucun attachement à l’entreprise.

Régleurs : ce sont des camarades, avec une nuance de fraternité protectrice. (Une vieille ouvrière trouve tout naturel qu’un régleur de 25 ans ait à la guider… La participation des femmes à la production industrielle a sûrement facilité la différenciation des catégories.) Mais leur caractère change sans doute avec celui de la production. Ici, il y a tout le temps des machines à monter (surtout en ce moment, période de toutes petites commandes que l’entreprise refuserait sans doute en période plus prospère). Là où il y a peu de machines à monter et beaucoup de surveillance, ils tiennent peut-être plus du chef.

Concurrence entre les ouvrières.

Quand on a l’occasion d’échanger un regard avec un ouvrier — qu’on le rencontre au passage, qu’on lui demande quelque chose, qu’on le regarde à sa machine — sa première réaction est toujours de sourire. Tout à fait charmant. Ce n’est ainsi que dans une usine.

Le directeur est comme le roi de France. Il délègue les

  1. Pages écrites pendant le séjour à l’usine (1934-1935) et dans l’année suivante.