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Page:Weil - La Connaissance surnaturelle, 1950.djvu/330

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pas non plus d’énergie à mettre au service de Dieu, et par suite restent stériles.

C’est exactement mon cas.

On croirait qu’il y a des âmes que l’insuffisance de la nature écarte irrémédiablement du service de Dieu. Moi parmi elles.

Est-ce irrémédiable ?

Y a-t-il un procédé pour faire pousser du blé sur de la pierre ?

Le seul est, si un grain est tombé dans un endroit de la pierre qui forme creux, d’y verser de l’eau et de la renouveler sans cesse à mesure qu’elle s’évapore.

Il faut donc, dans toute la mesure où c’est possible sans violer d’obligations, se mettre sous l’influence de stimulants terrestres, dans l’intention de donner à manger l’énergie qu’on en reçoit à la graine divine logée au secret du cœur.

C’est plus ou moins ce que j’ai fait instinctivement jusqu’ici.

Cela implique, quand les stimulants sont des êtres humains, une immense obligation de gratitude.

Ce serait peut-être une méthode à transmettre aux malheureux de même espèce ?

Heureusement qu’il y a d’autres âmes qui sont comme la bonne terre. Davantage, il faut l’espérer. Car il est douloureux d’assurer au grain, heure par heure, une continuation précaire de croissance, toujours menacée, toujours presque impossible, dans une angoisse qui dure jusqu’à la fin. Jusqu’à la fin, si l’eau manque quelques heures, la tige se dessèche.

L’obligation du détachement est encore plus rigoureuse que pour les âmes où il y a de la terre. Car si, de ce peu d’humidité qu’il faut renouveler sans cesse, quelques gouttes passent en mauvaises herbes, le dessèchement du blé est inévitable.

Il faut prendre l’énergie dans les choses terrestres, mais n’en pas laisser un atome servir à des choses terrestres.

Littéralement, la pureté totale ou la mort.

L’état de perfection est, semble-t-il, interdit à une âme de cette nature sinon à l’instant précis de la mort.