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IDOLÂTRIE

L’idolâtrie vient de ce qu’ayant soif de bien absolu, on ne possède pas l’attention surnaturelle et on n’a pas la patience de la laisser pousser.

Faute d’idoles, il faut souvent, tous les jours ou presque, peiner à vide. On ne peut le faire sans pain surnaturel.

L’idolâtrie est donc une nécessité vitale dans la caverne. Même chez les meilleurs, il est inévitable qu’elle limite étroitement l’intelligence et la bonté.

Les pensées sont changeantes, obéissantes aux passions, aux fantaisies, à la fatigue. L’activité doit être continue, tous les jours, beaucoup d’heures par jour. Il faut donc des mobiles de l’activité qui échappent aux pensées, donc aux relations : des idoles.

Tous les hommes sont prêts à mourir pour ce qu’ils aiment. Ils ne diffèrent que par le niveau de la chose aimée et la concentration ou la dispersion de l’amour. Aucun ne s’aime lui-même.

L’homme voudrait être égoïste et ne peut pas.