Page:Weil - La Pesanteur et la Grâce, 1948.djvu/131

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Le péché contre l’Esprit consiste à connaître une chose comme bonne et à la haïr en tant que bonne. On en éprouve l’équivalence sous forme de résistance toutes les fois qu’on s’oriente vers le bien. Car tout contact avec le bien produit une connaissance de la distance entre le mal et le bien et un commencement d’effort pénible d’assimilation. C’est une douleur, et on a peur. Cette peur est peut-être le signe de la réalité du contact. Le péché correspondant ne peut se produire que si le manque d’espérance rend la conscience de la distance intolérable et change la douleur en haine. L’espérance est un remède à cet égard. Maïs un remède meilleur est l’indifférence à soi, et d’être heureux que le bien soit le bien, quoiqu’on en soit loin, et même dans la supposition où on serait destiné à s’en éloigner infiniment.

Une fois un atome de bien pur entré dans l’âme, la plus grande, la plus criminelle faiblesse est infiniment moins dangereuse que la plus minime trahison, celle-ci se réduirait-elle à un mouvement purement intérieur de la pensée, ne durant qu’un instant, mais consenti. C’est la participation à l’enfer. Tant que l’âme n’a pas goûté au bien pur, elle est séparée de l’enfer comme du paradis.

Un choix infernal n’est possible que par l’attachement au salut. Qui ne désire pas la joie de Dieu, mais est satisfait de savoir qu’il y a réellement joie en Dieu, tombe mais ne trahit pas.

Quand on aime Dieu à travers le mal comme tel, c’est vraiment Dieu qu’on aime.