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Page:Weil - La Pesanteur et la Grâce, 1948.djvu/151

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tout ce qui l’éloigne. Entre moi et lui, l’épaisseur de l’univers — et celle de la croix s’y ajoute.

La douleur est à la fois tout à fait extérieure et tout à fait essentielle à l’innocence.

Sang sur la neige. L’innocence et le mal. Que le mal lui-même soit pur. Il ne peut être pur que sous la forme de la souffrance d’un innocent. Un innocent qui souffre répand sur le mal la lumière du salut. Il est l’image visible du Dieu innocent. C’est pourquoi un Dieu qui aime l’homme, un homme qui aime Dieu, doivent souffrir.

L’innocence heureuse. Quelque chose aussi d’infiniment précieux. Mais c’est un bonheur précaire fragile, un bonheur de hasard. Fleurs de pommier. Le bonheur n’est pas lié à l’innocence.

Être innocent, c’est supporter le poids de l’univers entier. C’est jeter le contrepoids.

En se vidant, on s’expose à toute la pression de l’univers environnant.

Dieu se donne aux hommes en tant que puissant ou en tant que parfait, — à leur choix.