Page:Weil - La Pesanteur et la Grâce, 1948.djvu/204

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


LE SENS DE L’UNIVERS[1]

Nous sommes une partie qui doit imiter le tout.

L’atman. Que l’âme d’un homme prenne pour corps tout l’univers. Qu’elle ait avec tout l’univers le même rapport que celle d’un collectionneur à sa collection, d’un des soldats qui mouraient en criant : « Vive l’Empereur ! » à Napoléon. L’âme se transporte, hors du corps propre, dans autre chose. Qu’elle se transporte donc dans tout l’univers.

S’identifier à l’univers même. Tout ce qui est moindre que l’univers est soumis à la souffrance.

J’ai beau mourir, l’univers continue. Cela ne me console pas si je suis autre que l’univers. Mais si l’univers est à mon âme comme un autre corps, ma mort cesse d’avoir pour moi plus d’importance que celle d’un inconnu. De même mes souffrances.

Que l’univers entier soit pour moi, par rapport à mon corps, ce qu’est le bâton d’un aveugle par

  1. L’identification de l’âme à l’univers n’a ici aucun rapport avec le panthéisme. On ne peut accepter pleinement l’aveugle nécessité qui régit l’univers qu’en adhérant par amour au Dieu transcendant à l’univers. Cf. plus haut : « Ce monde, en tant que tout à fait vide de Dieu est Dieu lui-même. » (Note de l’Éditeur.)