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Nécessité extérieure ou besoin intérieur impérieux comme de respirer. « Devenons le souffle central. » Même si une douleur à la poitrine rend la respiration pénible, on respire, on ne peut pas faire autrement.

Associer le rythme de la vie du corps à celui du monde, sentir constamment cette association et sentir aussi l’échange perpétuel de matière par lequel l’être humain baigne dans le monde.

Ce que rien ne peut ôter à un être humain tant qu’il vit : comme mouvement où la volonté a prise, respiration ; comme perception, l’espace (même dans un cachot, même les yeux et les tympans crevés, tant qu’on vit, on perçoit l’espace).

Attacher à cela les pensées dont on désire que nulle circonstance ne puisse priver.

Aimer le prochain comme soi-même ne signifie pas aimer tous les êtres également, car je n’aime pas également tous les modes d’existence de moi-même. Ni ne jamais les faire souffrir, car je ne refuse pas de me faire souffrir moi-même. Mais avoir avec chacun le rapport d’une manière de penser l’univers à une autre manière de penser l’univers, et non à une partie de l’univers.

Ne pas accepter un événement du monde, c’est désirer que le monde ne soit pas. Or cela est en