Page:Weil - La Pesanteur et la Grâce, 1948.djvu/225

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toute la mesure où on le peut sans se mépriser soi-même. Et si un jour on se voit contraint, sous peine de lâcheté, d’aller se briser contre leur puissance, se considérer comme vaincu par la nature des choses et non par des hommes. On peut être au cachot et enchaîné, mais on peut être aussi atteint de cécité ou de paralysie. Aucune différence.

Seule manière de conserver sa dignité dans la soumission forcée : considérer le chef comme une chose. Tout homme est esclave de la nécessité, mais l’esclave conscient est bien supérieur.

Problème social. Restreindre au minimum la part du surnaturel indispensable pour rendre la vie sociale respirable. Tout ce qui tend à l’accroître est mauvais (c’est tenter Dieu).

Il faut éliminer le malheur autant qu’on le peut de la vie sociale, car le malheur ne sert qu’à la grâce et la société n’est pas une société d’élus. Il y aura toujours assez de malheur pour les élus.