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RENONCEMENT AU TEMPS

Le temps est une image de l’éternité, mais c’est aussi un ersatz de l’éternité.

L’avare à qui on a pris son trésor. C’est du passé gelé qu’on lui enlève. Passé et avenir, les seules richesses de l’homme.

Avenir combleur de vides. Parfois aussi le passé joue ce rôle (j’étais, j’ai fait…) Dans d’autres cas, le malheur rend la pensée du bonheur intolérable ; il prive alors le malheureux de son passé (nessun maggior dolore…)

Le passé et l’avenir entravent l’effet salutaire de malheur en fournissant un champ illimité pour des élévations imaginaires. C’est pourquoi le renoncement au passé et à l’avenir est le premier des renoncements.

Le présent ne reçoit pas la finalité. L’avenir non plus, car il est seulement ce qui sera présent.