Page:Weil - La Pesanteur et la Grâce, 1948.djvu/98

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tude en faveur de laquelle la raison trouve plusieurs motifs distincts et convergents, mais dont on sent qu’elle dépasse tous les motifs représentables.

Il ne faut avoir en vue dans la prière aucune chose particulière, à moins d’en avoir reçu surnaturellement l’inspiration. Car Dieu est l’être universel. Certes il descend dans le particulier. Il est descendu, il descend dans l’acte de la création ; de même l’Incarnation, l’Eucharistie, l’Inspiration, etc. Mais c’est un mouvement descendant, jamais montant, un mouvement de Dieu, non de nous. Nous ne pouvons opérer une telle liaison qu’autant que Dieu nous la dicte. Notre rôle est d’être tournés vers l’universel.

C’est peut-être là la solution de la difficulté de Berger sur l’impossibilité de relier le relatif à l’absolu. C’est impossible par un mouvement montant, mais c’est possible par un mouvement descendant.

On ne peut jamais savoir que Dieu commande telle chose. L’intention orientée vers l’obéissance à Dieu sauve, quoi qu’on fasse, si on place Dieu infiniment au-dessus de soi, et damne, quoi qu’on fasse, si on appelle Dieu son propre cœur. Dans le premier cas, on ne pense jamais que ce qu’on a fait, ce qu’on fait ou ce qu’on fera puisse être un bien.

Usage des tentations. Il tient au rapport de l’âme et du temps. Contempler un mal possible pendant longtemps sans l’accomplir opère une espèce de transsubstantiation. Si on y résiste avec une énergie finie, cette énergie s’épuise en un temps donné, et quand elle est épuisée, on cède. Si on reste immobile et attentif, c’est la tentation