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le consentement aux commandements de Dieu. Donc la foudre est l’Amour, autrement dit le Saint-Esprit. C’est le feu que le Christ est venu jeter sur terre. Cela éclaire la signification de l’acte de Prométhée dérobant la foudre à Zeus pour donner le feu aux hommes, don qui a empêché Zeus de les anéantir, par suite don rédempteur (cf. Eschyle). La foudre est à double tranchant, ce qui rappelle à la fois l’épée apportée par le Christ (« je suis venu, etc. »), l’expression de Saint Paul : « le Saint-Esprit divise », et la hache à double tranchant de Zeus crétois.

2o Non seulement les hommes, mais la matière inerte elle-même obéit à Dieu librement et par amour. Platon parle de même. C’est une conception d’une poésie miraculeuse, que nous avons perdue, et qui, si elle était présente en nous, anéantirait l’opposition néfaste entre science et religion. (Elle n’est nullement contraire à la science, au contraire ; elle a amené les Grecs à inventer la science.)

3o Cette foudre est un « serviteur », un « éternel vivant », mots qui désignent une personne.

4o Les Stoïciens nommaient πνεῦμα l’énergie ignée qui selon eux sous-tend la nature. La foudre est la forme céleste, transcendante de cette énergie. Ce qui établit à travers eux une filiation entre les textes d’Héraclite et ceux du Nouveau Testament.

5o D’après la conception antique, le lieu naturel du feu est en haut, comme celui de la terre en bas. Le feu tend à monter comme les corps solides à descendre. Un feu qui descend est contre nature. Par là la foudre est l’image de la folie d’amour qui contraint Dieu à un mouvement descendant vers les hommes.

6o Le Logos est un roi, mot qui désigne aussi une personne. Cela en fait trois. [Au lieu de Verbe, il faudrait toujours traduire Logos par Médiation.]

7o La dignité de sa naissance, cela implique apparemment qu’il est fils de Zeus.

Il a la fonction d’ordonnateur du monde, comme dans la théologie chrétienne.

Bref, il ne manque à ce texte que l’Incarnation