Page:Weil - Lettre à un religieux, 1951.djvu/100

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nous pour la prison et les travaux forcés.

Mais Marc-Aurèle avait pour métier avant tout de conserver l’ordre. Il se le répétait à lui-même amèrement.

Les catholiques justifient volontiers les massacres d’hérétiques par le danger social inhérent à l’hérésie. Il ne leur vient pas à l’esprit que les persécutions des chrétiens aux premiers siècles soient susceptibles de la même justification, avec au moins autant de raison. Beaucoup plus sans doute, car aucune hérésie ne contenait une idée aussi bouleversante que l’attente presque certaine de l’avènement prochain du Christ-Roi.

Il est certain qu’une vague de désobéissance parmi les esclaves de l’Empire aurait fait crouler tout l’édifice au milieu d’affreux désordres.

Au temps de Constantin, l’attente apocalyptique devait être considérablement usée. D’autre part les massacres de chrétiens, en faisant obstacle à la transmission de la doctrine la plus profonde, avait peut-être — et même probablement — vidé le christianisme d’une grande partie de son contenu spirituel.