Page:Weil - Oppression et Liberté, 1955.djvu/19

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force d’expansion, et se demande si elle ne pourrait pas à présent l’utiliser en contractant avec lui, en vue des guerres futures, des alliances défensives et offensives (cf. la Deutsche Allgemeine Zeitung du 27 mai). À vrai dire ce régime ressemble au régime que croyait instaurer Lénine dans la mesure où il exclut presque entièrement la propriété capitaliste ; pour tout le reste, il en est très exactement le contre-pied. Au lieu d’une liberté effective de la presse, l’impossibilité d’exprimer un jugement libre sous forme de document imprimé, ou dactylographié, ou manuscrit, ou même par la simple parole, sans risquer la déportation ; au lieu du libre jeu des partis dans les cadres du système soviétique, « un parti au pouvoir, et tous les autres en prison » ; au lieu d’un parti communiste destiné à rassembler, en vue d’une libre coopération, les hommes qui posséderaient le plus haut degré de dévouement, de conscience, de culture, d’esprit critique, une simple machine administrative, instrument passif aux mains du Secrétariat, et qui, au dire de Trotsky lui-même, n’a d’un parti que le nom ; au lieu de soviets, de syndicats et de coopératives fonctionnant démocratiquement et dirigeant la vie économique et politique, des organismes portant à vrai dire les mêmes noms, mais réduits à de simples appareils administratifs ; au lieu du peuple armé et organisé en milices pour assurer à lui seul la défense à l’extérieur et l’ordre à l’intérieur, une armée permanente, une police non contrôlée et cent fois mieux armée que celle du tsar ; enfin et surtout, au lieu des fonctionnaires élus, sans cesse contrôlés, sans cesse révocables, qui devaient assurer le gouvernement en attendant le moment où « chaque cuisinière apprendrait à gouverner l’État », une bureaucratie permanente, irresponsable, recrutée par coaptation, et possédant, par la concentration entre ses mains de tous les pouvoirs économiques et politiques, une puissance jusqu’ici inconnue dans l’histoire.