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SUR LES CONTRADICTIONS
DU MARXISME



À mes yeux, ce ne sont pas les événements qui imposent une révision du marxisme, c’est la doctrine de Marx qui, en raison des lacunes et des incohérences qu’elle renferme, est et a toujours été très au-dessous du rôle qu’on a voulu lui faire jouer ; ce qui ne signifie pas qu’il ait été élaboré alors ou depuis quelque chose de mieux. Ce qui me fait exprimer un jugement si catégorique, et si propre à déplaire, c’est le souvenir de mon expérience propre. Quand, étant encore dans l’adolescence, j’ai lu pour la première fois le Capital, certaines lacunes, certaines contradictions de première importance m’ont tout de suite sauté aux yeux. Leur évidence même, à ce moment, m’a empêchée de faire confiance à mon propre jugement ; je me disais que tant de grands esprits, qui ont adhéré au marxisme, avaient dû apercevoir aussi ces incohérences, ces lacunes si claires ; qu’elles avaient donc certainement été les unes comblées, les autres résolues, dans d’autres ouvrages de doctrine marxiste. À combien d’esprits jeunes n’arrive-t-il pas ainsi d’étouffer, par défiance d’eux-mêmes, leurs doutes les mieux fondés ? Pour moi, dans les années qui suivirent, l’étude des textes marxistes, des partis marxistes ou soi-disant tels, et des événements eux-mêmes n’a pu que confirmer le juge-