Page:Weil - Pensées sans ordre concernant l’amour de DIeu, 1962.djvu/107

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Pour être en cas d’extrême malheur cloué sur la croix même du Christ, il faut porter en son âme, au moment où le malheur survient, non pas seulement la graine divine, mais l’arbre de vie déjà formé.

Autrement, on a le choix entre les croix qui étaient de part et d’autre de celle du Christ.

On ressemble au mauvais larron quand on cherche une consolation dans le mépris et la haine des compagnons d’infortune. C’est là l’effet le plus commun du véritable malheur. C’était le cas dans l’esclavage à Rome. Ceux qui s’étonnent quand ils aperçoivent un tel état d’esprit chez les malheureux y tomberaient presque tous eux-mêmes si le malheur les touchait.

Pour ressembler au bon larron, il suffit de se rendre compte que, dans quelque degré de malheur qu’on soit plongé, on a mérité au moins cela. Car avant d’être réduit à l’impuissance par le malheur, on s’est certainement rendu complice par lâcheté, inertie, indifférence ou ignorance coupable, de crimes qui ont mis d’autres êtres dans un malheur au moins