inséparablement collée à la douleur. Grâce à cette immobilité la graine infinitésimale d’amour divin, jetée dans l’âme peut à loisir grandir et porter des fruits dans l’attente, ἐν ὑπομονῆ selon l’expression divinement belle de l’Évangile. On traduit in patientia, mais ὑπομἐνειν, c’est tout autre chose. C’est rester sur place, immobile, dans l’attente, sans être ébranlé ni déplacé par aucun choc du dehors.
Heureux ceux pour qui le malheur entré dans la chair est le malheur du monde lui-même à leur époque. Ceux-là ont la possibilité et la fonction de connaître dans sa vérité, de contempler dans sa réalité le malheur du monde. C’est la fonction rédemptrice elle-même. Il y a vingt siècles, dans l’Empire romain, le malheur de l’époque était l’esclavage, dont la crucifixion était le terme extrême.
Mais infortunés ceux qui ayant cette fonction ne l’accomplissent pas.
Quand vous dites que vous ne sentez pas la distinction du bien et du mal, prise littéralement, cette parole n’est pas sérieuse, puisque vous parlez d’un autre homme en vous, qui est évidemment le mal en vous ; vous savez bien — et dans les cas d’incertitude un examen attentif peut, au moins la plupart, du temps, amener à savoir — ce qui dans vos pensées, vos paroles et vos actes nourrit cet autre à vos dépens, ce qui vous nourrit aux siens. Ce que vous voulez dire, c’est que vous n’avez pas encore consenti à reconnaître cette distinction comme celle du bien et du mal.
Ce consentement n’est pas facile, car il engage