de rentrer dans ce territoire sous peine de mort. Le Secrétaire espère que Jaffier n’apprendra la vérité qu’une fois ses amis morts. Autrement, quoiqu’il l’admire, l’aime, le plaigne et lui soit reconnaissant, il est résolu à le traiter avec une extrême brutalité, et cela dans son propre intérêt. Car Jaffier, quand il comprendra qu’on lui a manqué de parole, sera porté par sa nature généreuse à prendre une attitude qui rendrait nécessaire de le tuer. Cela, le Secrétaire veut l’éviter, par gratitude et amitié. Le seul moyen, c’est, dans son intérêt, à lui Jaffier, d’abattre son courage d’un coup et pour longtemps à force de brutalité.
(Il répète ici presque mot pour mot les paroles de Renaud concernant la manière de traiter Venise dans acte II, scène VI.)
Répondant à une question de Bassio, le Secrétaire dit :
Il aura d’abord une explosion de colère ; prends bien garde alors à lui, ainsi que deux de tes hommes, et désarme-le avant qu’il ne tire son épée. Quand il verra que sa colère ne sert à rien, sa douleur éclatera. Quand il en aura assez des plaintes, il se taira ; puis il essaiera de me persuader. Il y épuisera vainement le peu qui lui restera de forces. Alors il tombera dans un long abattement. Dans cet état, il sera facile de le conduire hors de Venise. Malgré son grand courage, son impétuosité, sa fierté, je n’ai pas d’inquiétude à ce sujet, car il n’y a pas d’homme si fort, si fier, si impétueux, qui ne soit dompté quand on lui a bien fait sentir qu’il ne peut rien.