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Page:Weil - Sur la science, 1966.djvu/115

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constructions utopiques, mais aussi, et du même coup, à l’empirisme. Il me paraît évident que, dans l’étude que Marx a faite de la société, les rapports entre l’analyse théorique, l’expérience et l’application font penser beaucoup plus à la conception que se faisait Descartes de la science qu’à la conception de Henri Poincaré ou de Bouasse.

Le progrès de l’humanité ne consiste pas à transporter dans l’étude théorique les procédés de routine aveugle et d’expérience errante qui ont si longtemps dominé la production. C’est là pourtant tout ce que la science actuelle semble capable de faire, si l’on en juge d’après ce que disent les savants. Le progrès consisterait à transporter, autant qu’il est possible, dans la production elle-même, ce que l’humanité n’a d’abord trouvé que dans les spéculations purement théoriques, et complètement abstraites des applications ; à savoir la méthode. Descartes, qui aurait voulu fonder une université ouvrière où chaque ouvrier aurait acquis les notions théoriques nécessaires pour comprendre son propre métier, était plus proche de l’idée marxiste de « division dégradante du travail en travail intellectuel et travail manuel » que ceux qui, aujourd’hui, se réclament de Marx. Certes c’est seulement par son rapport aux applications que la science a une valeur. Mais d’autre part — et c’est ce que devraient comprendre facilement tous ceux qui se disent « dialecticiens » — le rapport véritable entre théorie et application n’apparaît qu’une fois que la recherche théorique a été purifiée de tout empirisme.


L’expérience pédagogique que je désire soumettre à mes camarades se rapporte à l’enseignement historique des sciences préconisé avec raison par Langevin et plusieurs autres.