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Page:Weil - Sur la science, 1966.djvu/165

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et que cette même quantité est fonction du nombre de ses pas. C’est cette contradiction qui apparaît dans l’idée de quanta ou d’atomes d’énergie, et c’est elle qui a ôté à la science, à partir de 1900, la signification qu’elle avait eue au cours de quatre siècles, sans qu’on ait pu lui en donner aucune autre. La rupture entre la science du xxe siècle d’une part, la science classique et le sens commun de l’autre, était totale dès avant les paradoxes d’Einstein ; une vitesse infinie et mesurable, un temps assimilé à une quatrième dimension de l’espace, ne sont pas choses plus difficiles à concevoir qu’un atome d’énergie ; tout cela est également impossible à concevoir, quoique très facile à formuler, soit dans le langage algébrique, soit dans le langage commun.

La science devait-elle inévitablement prendre une telle direction — si toutefois on peut parler de direction alors qu’elle a au contraire cessé d’être dirigée ? Cela ne semble nullement évident. La cause de la rupture de continuité étant le caractère numérique du calcul des probabilités, il est difficile de comprendre, à première vue, pourquoi l’on n’a pas choisi de travailler sur le calcul des probabilités plutôt que de bouleverser la physique. On peut concevoir des probabilités qui ne soient ni des nombres entiers ni des fractions. Si l’on suppose, par exemple, qu’on fasse tourner un disque porteur d’une aiguille, et que l’aiguille tourne sur une circonférence immobile dont un arc soit tracé en rouge, la probabilité pour que l’aiguille s’arrête sur du rouge sera mesurée par le rapport de l’arc à la circonférence, rapport qui peut fort bien n’être pas une fraction ; on peut donc facilement concevoir un calcul des probabilités dont la base soit non pas le nombre, mais le nombre généralisé. Pour appliquer un tel calcul à la théorie de Boltzmann, il