Aller au contenu

Page:Weil - Sur la science, 1966.djvu/235

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La poésie même a pour matière le langage regardé comme ensemble de sons. La matière de l’art mathématique est une métaphore ; et à quoi répond cette métaphore ? La matière de la géométrie grecque était l’espace, mais l’espace à trois dimensions, réellement donné, condition imposée en fait à toutes les actions des hommes. Il n’en est plus ainsi. La matière de ton travail, ne serait-ce pas l’ensemble des travaux mathématiques antérieurs, avec le langage et le système de signes qui en résulte ?

Si l’objet de la science et de l’art sont de rendre intelligible et sensible l’unité entre



III. EXTRAIT D’UN BROUILLON DE LETTRE


La découverte des incommensurables comporte deux découvertes distinctes : 1o qu’il y a des opérations sur les chiffres (ex. ) qui ne comportent pas de résultats en nombres rationnels ; 2o qu’en revanche, à ces résultats impossibles à trouver, correspondent des segments. On présente la chose, généralement, dans l’ordre inverse ; on suppose qu’on a d’abord trouvé que la diagonale du carré est et qu’ensuite on a cherché  ; ou en tout cas que c’est en cherchant une commune mesure à des segments qu’on s’est aperçu que dans certains cas la mesure n’existe pas. Que l’aspect géométrique de cette notion ait été étudié avant l’aspect arithmétique, c’est une supposition arbitraire et tout à fait invraisemblable ; car les nombres ont été étudiés longtemps avant les lignes. Les Babyloniens ont dû nécessairement s’apercevoir que leurs méthodes algébriques conduisaient à une solution seulement