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Page:Weil - Sur la science, 1966.djvu/270

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rences. Par exemple la magie et la science européennes d’après la Renaissance ont en commun le choix de l’aspiration ; il s’agit de l’aspiration au pouvoir sur la matière pour la réalisation de n’importe quel désir. Mais la magie considère comme conditions des rites et des signes, lesquels sont en effet des conditions pour la réussite de toute action humaine, quoique variables selon les sociétés ; la science occidentale classique considère comme conditions des nécessités analogues à celles qu’un effort d’attention fait apparaître clairement dans le travail le plus simple, le travail du manœuvre. La science du xxe siècle considère comme condition l’usage de formules algébriques qui traduisent approximativement les rapports de quantités observés dans des expériences de laboratoire conçues, interprétées et corrigées d’après des hypothèses qui ont pour fin la construction de telles formules. Un savoir tel que l’alchimie s’oppose également à la magie et à la science occidentale par l’aspiration à laquelle il semble avoir égard ; d’après les textes des alchimistes, il s’agissait de pouvoirs sur la matière liés à une transformation intérieure dans le sens de la sagesse et de la plus haute vertu, analogues par suite aux pouvoirs particuliers que possède, par exemple, un très grand peintre sur les couleurs et les pinceaux qu’il manipule. Par la nature des choses, les conditions du succès sont mystérieuses, car là où il y a marche vers le bien il peut et doit y avoir une méthode, mais, comme l’exemple de l’art le fait clairement apparaître, il ne peut y avoir de recettes. Autant il peut y avoir de semblables rapports susceptibles d’être conçus par l’homme entre une aspiration les conditions d’accomplissement, autant il peut y avoir d’espèces différentes de savoirs, et la