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Page:Weil - Sur la science, 1966.djvu/286

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comme symbole à la fois de la connaissance du monde et de la justice.

Quelque partie, quelque aspect de la nature ou de la vie humaine qu’on étudie, on a compris quelque chose quand on a défini un équilibre, des limites par rapport à cet équilibre, des rapports de compensation liant les ruptures d’équilibre successives. Il en est ainsi aussi pour l’étude de la vie sociale ou de l’âme humaine, études qui par là seulement sont des sciences.

Des ruptures d’équilibre qui se compensent constituent quelque chose comme des transformations cycliques ; des rapports fixes, dérivés de l’équilibre à l’égard duquel ces ruptures sont définies, dominent ces successions et ces compensations ; ainsi les notions mathématiques assez récentes de groupe et d’invariant sont, avec celle d’ensemble, le centre même de la science. Ces trois notions, si on en fait bon usage, sont partout applicables.

Par la limitation même de l’esprit humain, la science se divise en domaines. Un corps humain est de la matière pesante, de la matière éclairée opaque à la lumière, de la matière vivante, de la matière jointe par un lien mystérieux à une pensée, et ainsi participe à différents équilibres. La division en domaines est, dans une certaine mesure, donnée à l’homme. La pensée individuelle, la vie sociale, la matière vivante animale et végétale, la matière non vivante, ce sont des divisions qu’il ne dépend de personne d’abolir. Dans la matière non vivante, les astres sont séparés de tout le reste ; dans la nature qui nous entoure, les sens qui nous sont donnés imposent les premières divisions, et si une étude plus poussée en fait apparaître d’autres, jamais les divisions de la physique en branches séparées ne perdent tout rapport avec les sens