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Page:Weil - Sur la science, 1966.djvu/39

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le commun des hommes plus sages, en leur donnant la santé, mais, bien plus, ce n’est qu’en vue des applications qu’il a pris la peine de communiquer ses réflexions au public. Car, dit-il, tant qu’il n’était arrivé à des résultats satisfaisants que touchant les sciences spéculatives ou la morale, il ne s’était pas cru obligé de les publier. « Mais, poursuit-il, sitôt que j’ai eu acquis quelques notions générales touchant la physique, et que, commençant à les éprouver en diverses difficultés particulières, j’ai remarqué jusqu’où elles peuvent conduire, et combien elles diffèrent des principes dont on s’est servi jusqu’à présent, j’ai cru que ne je pouvais les tenir cachées sans pécher grandement contre la loi qui nous oblige à procurer, autant qu’il est en nous, le bien général de tous les hommes. Car elles m’ont fait voir qu’il est possible de parvenir à des connaissances qui soient fort utiles à la vie, et qu’au lieu de cette philosophie spéculative qu’on enseigne dans les écoles, on en peut trouver une pratique, par laquelle connaissant la force et les actions du feu, de l’eau, de l’air, des astres, des cieux, et de tous les autres corps qui nous environnent, aussi distinctement que nous connaissons les divers métiers de nos artisans, nous les pourrions employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres, et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature. » (VI, p. 61.) En ces lignes, qui rendent pour ainsi dire le même son que celles, non moins vigoureuses, où Proudhon osera dire plus tard que par les seules applications les spéculations scientifiques « méritent le noble nom de travaux », la science semble être considérée à l’égard de la nature, non comme la satisfaction de notre curiosité, mais comme une prise de possession. Ce n’est pas que la science cartésienne ne serve aussi à