Page:Weil et Chénin, Contes et récits du XIXe siècle - 1913.djvu/180

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Attention! criait le père Mouqu.e (1), chargé de le recevoir. Amenez-le, ne le détachez pas encore. Bientôt, Trompette fut couché sur les dalles de fonte, comme une masse. Il ne bougeait toujours pas, il semblait dans le cau- chemar de ce trou obscur, infini, de cette salle profonde, reten- tissante 'de vacarme. OIi commençait à le délier, lorsque Ba- taille, dételé depuis un instant, sye rocha, allongea son cou, pour flairer ce compagnon qui tombait ainsi de la terre. Les ouvriers élargirent le cercle en plaisantant. Eh bien quelle bonne odeur lui trouvait-il? Mais Bataille s'animait, sourd aux moqueries. Il lui trouvait sans doute la bonne odeur du grand air, l'odeur oubliée du soleil dans les herbes. Et il éclata tout à coup d'un hennissement sonore, d'une musique d'allégresse, où. il semblait y' avoir l'attendrissement d'un sanglot. C'était la bienvenue, la joie de ces choses anciennes dont une bouffée lui arrivait, la mélancolie de ce prisonnier de plus qui ne remon- terait que mort. Ah cet animal de Bataille crièrent les ouvriers, égayés par les farces de leur favori. Le voilà qui cause avec le cama- rade. Trompette, délié, ne bougeait toujours pas. Il demeurait sur le flanc, comme s'il eût continué à sentir le filet l'étreindre, gar- rotté par la peur. Enfin, on le mit debout d'un coup de fouet, étourdi, les membres secoués d'un grand frisson. Et le père Mouque emmena les deux bêtes qui fraternisaient. Emile ZOLA, Germinal (Fasquelle, édit.). Coco ON CONSERVAIT, PAR CHARITÉ, dans le fond de l'écurie, un très vieux cheval blanc que la maîtresse voulait nourrir jusque sa mort naturelle, parce qu'elle l'avait élevé, gardé toujours, et qu'il lui rappelait des souvenirs. Un goujat (2) de quinze ans, nommé Isidore Duval, et appelé plus simplement Zidore, prenait soin de cet invalide, lui don- nuit, pendant l'hiver, sa mesure d'avoine et son fourrage, et de- vait aller, quatre fois par jour, en été, le déplacer dans la côte où on l'attachait, afin qu'il eût en abondance de l'herbe fraîche. L'animal, presque perclus, levait avec peine ses jambes lour- des, grosses des genoux et enflées au-dessus des sabots. Ses poils, qu'on n'étrillait plus jamais, avaient l'air de cheveux blancs, et des cils très longs donnaient à ses yeux un air triste. Quand Zidore le menait a l'herbe, il lui fallait tirer sur la 1. le père Mouque le palefrenier de la mine. 2 . Goujat lÉalet de ferme.