Page:Weil et Chénin, Contes et récits du XIXe siècle - 1913.djvu/265

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

l'on aperçut un troupeau d'aurochs (1) qui marchait vers le Sud. Alors, Naoh dit à ses compagnons «  Nous boirons avant le coucher du soleil! Les aurochs vont à l'abreuvoir. » Des ombres longues se détachaientde la base des arbres, les herbes se gorgeaient d'une sève abondante, et le soleil, plus jaune et plus grand à mesure qu'il glissait vers l'abîme, faisait luire le troupeau d'aurochs comme un fleuve d'eaux fauves. Les derniers doutes de Naoh se dissipérent par delà l'échan- crure des collines, l'abreuvoir était proche; son instinct l'en assurait, et le nombre des bêtes furtives qui suivaient la route des aurochs. Nam et Gaw le savaient aussi, les narines dila- tées aux émanations fraîches. «  Il faut devancer les aurochs », iït Naoh. Car il craignait que l'abreuvoirne fût étroit et que les colosses n'en obstruassent les bords. Les guerriers accélérèrent la mar- che afin d'atteindre, avant le troupeau, le creux des collines. A cause de leur nombre, de la prudence des vieux taureaux et de la lassitude des jeunes, les bêtes avançaient avec lenteur. Les Oulhamr gagnèrent du terrain. D'autres créatures suivaient la même tactique; on voyait filer de légers saïgas (2), des éga- gres (3), des mouflons (4), des hémiones (5), et, transversa- lement, une troupe de chevaux. Plusieurs franchissaient déjà la passe. Naoh prit une grande avance sur les aur ochs on pourrait boire sans hâte. Lorsque les hommes atteignirentla plus haute colline, les aurochs retardaient de mille coudées. Nam et Gaw pressèrent encore la course; leur soif s'avivait; ils contournèrent la colline, s'engagèrent dans la passe. L'eau parut, mère créatrice, plus bienfaisante que le feu même et moins cruelle c'était presque un lac, étendu au pied d'une chaîne de roches, coupé de presqu'îles, nourri à droite par les flots d'une rivière, croulant, à gauche dans un gouffre. On pouvait y accéder par trois voies la rivière même, la passe qu'avaient franchie les Oulhamr, et une autre passe, entre les rocs et l'une des collines partout ailleurs, croissaient des murailles basaltiques. Les guerriers acclamèrent la nappe. Orangée par le soleil mourant, elle apaisait la soif des grêles saïgas, des petits che- vaux trapus, des onagres (6) aux sabots fins, des moulions à la I. Aurochs bœufs sauvages dont l'espèce est aujourd'hui éteinte. 2. Saïyas es- poco d'antilopes qu'on trouve aujourd'hui dans les steppes do la Russie méridionale. 3. ligagres chèvres sauvages, 4. Mouflons sorte do moutons sauvages, qui .at- teignentpresque la taille du cerf. 5 . Hémiones animaux qui tiennent du cheval et de l'âne, et qu'on rencontre encore en Asio. 6. Onagres ânes sauvages.