Page:Weil et Chénin, Contes et récits du XIXe siècle - 1913.djvu/270

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fois de plus ils se connaissaient les maîtres de la terre et la colonne des géants couleur d'argile, aux longs poils rudes, aux rudes crinières, se rangea sur la rive de l'abreuvoir et se mit à boire de si formidable sorte que l'eau baissait dans les criques. Sur le flanc des collines, un flot de bêtes légères, encore effa- rées par la lutte, regardait boire les mammouths. Les Oulhamr les contemplaient aussi, dans la stupeur d'un des grands épi- sodes de la nature. Et Naoh, comparant les bêtes souveraines à Nam et Gaw, les bras grêles^ les jambes minces, les torses étroits, aux pieds rudes comme des chênes, aux corps hauts comme des rochers, concevait la petitesse et la fragilité de l'homme, l'humble vie errante qu'il était sur la face des sava- nes. Il songeait aussi aux lions jaunes, aux lions géants et aux tigres qu'il rencontrerait dans la forêt prochaine, et sous la griffe desquels l'homme ou le cerf élaphe sont aussi faibles qu'un ramier dans les serres d'un aigle. J.-H. Rosny AÎNÉ, La Guerre du Feu (Fasquelle, édit.) . Les Progrès de l'homme L'HOMME S'IMAGINE volontiers qu'il est le « roi de la créa- tion ». Cela se comprend l'être qui voit tous las rayons converger dans son regard, toutes les apparences prendre une réalité dans son cerveau, doit forcément se considérer comme étant au centre et au-dessus de tout c'est par la longue ré- flexion, le contrôle incessant de la vie, qu'il arrive à reconnaître la valeur et la place relative des êtres. Si l'homme n'avait eu sous les yeux que les exemples donnés par ses compagnes les bêtes, s'il n'avait obtenu leur appui dans les luttes de l'existence, si, d'autre part, il ne s'était ingénié pour échapper aux animaux qui furent ses ennemis ou pour triompher d'eux, il ne serait resté qu'un bipède sauvage parmi les quadrupèdes, n'ayant d'autre bien que son héritage de bête, et nul progrès ne se serait accompli dans sa destinée; peut-être eût-il succombé. D'ailleurs, il ne manque pas de contrées où, même de nos jours, l'homme n'a pu se maintenir contre ses rivaux dans la bataille de la vie. Telles plantations, dans le voisinage de Singa- pour, restèrent désertes à cause des visites redoutées, du tigre royal. En diverses parties de l'Afrique, des éléphants, s'ouvrant des chemins à travers les forêts en-écrasantJes branches sous,, leurs larges pieds, dispersaient les indigènes effrayés; mais voici que le blanc commence la guerre d'extermination contre l'ani- il