Page:Weil et Chénin, Contes et récits du XIXe siècle - 1913.djvu/273

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tances, soit pour arracher de l'océan une multitude de produc- tions utiles à la vie humaine. Ce sont encore des hommes du peuple. Et qui prend les armes pour la patrie, qui la défend, qui donne pour elle ses plus belles années, et ses veilles, et son sang? Qui se dévoue et meurt pour la sécurité des autres, pour leur assurer les tranquilles jouissances du foyer domestique, si ce n'est les enfants du peuple? Quelques-uns d'eux aussi, à travers mille obstacles, poussés, soutenus par leur génie, développent et perfectionnent les arts, les lettres, les sciences, qui adoucissent les mœurs, civilisent les nations, les environnent de cette splendeur éclatante qu'on appelle la gloire,formentenfin une des sources, et la plus féconde, de la prospérité publique. Ainsi, en chaque pays, tous ceux qui fatiguent et qui peinent pourproduire et répandre les productions,tous ceux dont l'action tourne au profit de la communauté entière, les classes les plus utiles à son bien-être, les plus indispensablesà sa conservation, voilà le peuple. Otez un petit nombre de privilégiés ensevelis dans la pure jouissance, le peuple c'est le genre humain. Lamennais, Le Livre du .Peuple. L'Humanité JE VAIS DIRE LE PLUS RAVISSANT souvenir qui me reste de ma première jeunesse je verse presque des larmes en y songeant. Un jour, ma mère et moi, en faisant un petit voyage à travers ces sentiers pierreux des côtes de Bretagne qui laissent à tous ceux qui les ont foulés de si doux souvenirs, nous arrivâmes à une église de hameau entourée, selon l'usage, du cimetière, et nous nous y reposâmes. Les murs de l'église en granit à peine équarri et couvert de mousses, les maisons d'alentour construi- tes de blocs primitifs, les tombes serrées, les croix renversées et effacées, les têtes nombreuses rangées sur les étages de la maisonnette qui sert d'ossuaire, attestaient que depuis les plus anciens jours où les saints de Bretagne avaient paru sur ces flots, on avait enterré en ce lieu. Ce jour-là, j'éprouvai le senti- ment de l'immensité de l'oubli et du vaste silence où s'engloutit la vie humaine, avec un effroi que je ressens encore. Parmi tous ces simples qui sont là, à l'ombre de ces vieux arbres, pas un, pas un seul ne vivra dans l'avenir. Pas un seul n'a inséré son action dans le grand mouvement des choses pas un seul ne comptera dans la statistique définitive de ceux qui ont poussé a l'éternelle roue. Ils ne sont pas morts, ces obscurs enfants du hameau; car la