Page:Weil et Chénin, Contes et récits du XIXe siècle - 1913.djvu/51

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Le Jeu des marins Nous AYIOIYS BEAUCOUPDE JEUX, te douanier et le contreban- dier, la chasse, la voiture de poste, un jeu que petit Jean aimait beaucoup,parce que je le conduisais dans une petite voiture aux endroits prévus où le « coche » heurtait un obstacle, la voiture culbutait; et, comme c'était toujours aux mêmes endroits, le petit savait d'avance où il culbuterait, et il avait bien un peu peur; mais il ne sien réjouissait que plus, et il s'y préparait, et c'était' chaque fois des piaillements de joie. Mais le plus beau de tous les jeux, c'était le jeu des marins. Nous ne pouvions y jouer tous les jours, mais seulement quand il faisait du vent. Et plus il y avait de vent, plus c'était beau. Alors on s'en allait dans la forêt. Dans la forêt il y avait un grand tilleul très vieux, et c'est là que nous grimpions. Le til- leul, c'était notre navire. Aussi, quand nous arrivions près de l'arbre, l'aîné commandait « Tout le monde à bord 1 » Et le pe- tit glapissait à son tour « Tout le monde à bord 1 » en courant aussi vite qu'il pouvait pour atteindre l'arbre et y monter; mais chaque fois, c'était difficile car si basses que fussent les bran- ches du tilleul, elles étaient trop-hautes pour le petit garçon; l'autre, qui était déjà grimpé et se tenait sur la premièrefourche, devait lui tendre la main, pour le hisser. Puis on criait « Les matelots dans les hunes! » Et le petit glapissait à son tour. Puis on continuait de grimper, et l'arbre était maintenant notre mât. Et quand le vent secouait notre mât et le courbait de tous côtés, c'était un plaisir sans bornes. Quand les branches s'entre-croi- saient en bruissant et se cognaientl'une l'autre, on criait « Les cordages craquent 1 Et le petit répétait « Les cordages cra- quent » «  Il fait une grande tempête Il fait une grande tempête » Puis nous sortions nos mouchoirs, nous en prenions les quatre coins et les mettions au vent qui s'y engouffrait et les gonflait comme de petites voiles. «  Maintenant, nous marchons à la voile, disait l'aîné. Maintenant, nous marchons à la voile, disait le petit. Oh comme ça va vite 1 Oh comme çavavite» Et quand nous avions marché à la voile pendant quelque temps, on regrimpait encore, toujours plus haut, presque jus- qu'au sommet. C'était là le plus beau. Il s'y trouvait plusieurs branches qui partaient à droite et à gauche et formaient une assez grande fourche. Nous pouvions nous y asseoir en nous serrant l'un contre l'autre. C'était une cabine. Et nous nous y asseyions et le petit, qui avait toujours un peu peur, se tenait d'un bras aux 'branches, et de l'autre enserrait son frère tout près, tout près. Et quand il se serraitainsi contre moi, je pou-