Page:Weiss - À propos de théâtre, 1893.djvu/117

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corde ». Je pourrais signaler l’admirable passage des enfants perdus dans la forêt (Petit Poucet). Tous les traits poétiques s’en incrustent sur l’esprit, comme les rayons de lumière sur l’objectif du photographe.

La sobriété et la limpidité de la composition sont merveilleuses. M. André Lefèvre note fort à propos que Perrault n’use des fées et de la féerie qu’avec une discrétion infinie. Tout est expliqué et préparé, dans ses récits, presque tout, par des raisons naturelles. De cinq en cinq lignes, on assiste à un événement, à une scène, à un drame nouveaux ; et pourtant on ne reçoit aucune fatigue de la diversité de ce panorama ; il n’en résulte ni longueurs ni confusion. Le plus long de ces contes, le Petit Poucet ne remplirait pas trois colonnes du Journal des Débats, et, quand on l’a fini de lire, il semble, — tant il est rempli sans surcharge ! — qu’on ait passé par plus d’aventures qu’en lisant les Trois Mousquetaires et Monte-Cristo ! C’est aussi une merveille que le style ; comme il fait tout vivre ! comme il détache tout nettement ! combien il a le tenor et combien, en même temps, il est varié ! La crudité et l’élégance, l’ingénuité et la finesse, le drame effroyable et la comédie s’y fondent en un même tout, uni et nuancé. Encore un caractère de ce style : M. Taine a observé, de La Bruyère et de Saint-Simon, que, seuls parmi les écrivains de leur siècle, ils relèvent