Page:Weiss - À propos de théâtre, 1893.djvu/211

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littéraires qui avaient agi certainement sur l’imagination du jeune Dumas. J’ai mentionné notamment l’impression produite par le fameux Salon de 1824. De 1823 à 1829, le modeste commis d’Orléans (je dis modeste à cause de l’emploi) avait, non sans de grandes difficultés de la part de ses chefs, complété, ou plutôt élargi et fortifié son éducation littéraire. Il avait beaucoup lu, assez bien lu, et lu ce qu’il fallait. Avant de laisser tomber ses yeux sur le volume dépareillé d’Anquetil, il avait composé sa Christine ; il l’avait présentée aux comédiens ; il était donc déjà débrouillé plus qu’à moitié du vaudeville, mais non définitivement. Anquetil n’a pas tout fait ; mais il a fait le définitif. La première grande secousse avait été la Lénore, recueillie là-bas, dans le bourg natal, de la bouche d’un soldat qui avait vu les pignons romantiques des villes du Mein et les brumes baltiques ; le second coup, la pleine illumination, ce fut le règne d’Henri III, conté par Anquetil, cet Anquetil si terne, si morne, si superficiel. Mais, par un phénomène qui n’est pas rare en matière d’ouvrages historiques, le médiocre récit de l’auteur était arrangé de manière à montrer et à dévoiler au lecteur tout ce que l’historien lui-même n’avait pas vu ni pénétré. Le cerveau de Dumas s’embrasa en cette journée d’Anquetil. Il resta incandescent pour toujours, éruptif, intarissable, joyeux