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Page:Weiss - À propos de théâtre, 1893.djvu/327

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de la cour, de la ville et de l’Église se fussent avisés de remarquer en 1670 un vague caractère de religion tournée au burlesque dans la mascarade du Bourgeois gentilhomme, comme cette religion était ou semblait être celle de Mahomet, ils se seraient applaudis d’une telle farce comme d’une chose saine et utile à la foi, estimant et ressentant au fond du cœur que c’est un emploi méritoire du bel esprit qu’on a, de bafouer les religions fausses qui font obstacle à la vraie. Tout cela est exact. Mais si, pour bafouer les religions fausses, il a fallu lancer des traits qui risquaient de blesser la vraie, Molière ne s’est pas laissé arrêter par ce scrupule. Je ne dis pas que Molière y mette de la préméditation et du système comme fit plus tard Voltaire en composant la tragédie de Mahomet et en la dédiant au pape. Molière se démène d’instinct. L’instinct pourtant, quand il s’agit d’un génie comme celui de Molière, qui a la clarté et le foudroiement, l’instinct, s’il ne calcule pas ce qu’il va faire, l’instinct, tout spontané qu’il soit, ne fait rien sans une illumination concomitante qui s’opère en lui du fait perpétré.

Ce n’a jamais été vers le respect des choses saintes et le ménagement des personnes pieuses que l’instinct portait Molière. On sait que Molière a reçu les leçons de Gassendi et qu’il s’était pénétré de sa doctrine. Dans la pratique, il est allé bien plus loin