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les pirates de la mer

mais un critique. Wagner… Eh ! qu’allez-vous faire avec ce rouge ?

— Je vais vous barbouiller et vous effacer, — répondit Harringay. — Je ne tiens pas du tout à entendre plus longtemps votre bavardage. Si vous croyez que, parce que je suis peintre de profession, je vais m’amuser à causer métier avec vous, c’est une fameuse erreur !

— Une minute, — dit le portrait, évidemment alarmé. — J’ai une offre à vous faire, une offre très sérieuse. C’est juste ce que j’allais vous proposer. Vous manquez d’inspiration. C’est entendu. Eh bien, vous avez certainement entendu parler de la cathédrale de Cologne, du Pont du Diable et de…

— Assez, assez, — interrompit Harringay. — Si vous croyez que je vais troquer le salut de mon âme pour le simple plaisir de peindre un bon portrait qui serait éreinté par la critique, ah ! non. Tiens, attrape !

Son sang bouillait. Le danger, dit-il, ne faisait que le surexciter et il planta sa brosse de vermillon dans la bouche du démon. L’Italien — sans aucun doute horriblement surpris — bredouilla et voulût recracher la couleur. Alors — toujours suivant Harringay — une lutte extraordinaire s’engagea. Harringay éclaboussait de rouge la figure du démon, et celui-ci se tortillait et l’essuyait à mesure. — …deux chefs-d’œuvre, — bégayait le portrait,