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l’île du docteur moreau

prohibition de ces actes de folie jusqu’à la défense de ce que je croyais alors être les choses les plus insensées, les plus impossibles et les plus indécentes. Une sorte de ferveur rythmique s’empara de nous tous ; avec un balancement et un baragouin de plus en plus accélérés, nous répétâmes les articles de cette loi étrange. Superficiellement, je subissais la contagion de ces brutes, mais tout au fond de moi le rire et le dégoût se disputaient la place. Nous parcourûmes une interminable liste de prohibitions, puis la mélopée reprit sur une nouvelle formule.

— À lui, la maison de souffrance.

— À lui, la main qui crée.

— À lui, la main qui blesse.

— À lui, la main qui guérit.

Et ainsi de suite, toute une autre longue série, la plupart du temps en un jargon absolument incompréhensible pour moi, fut débitée sur lui, quel qu’il pût être. J’aurais cru rêver, mais jamais encore je n’avais entendu chanter en rêve.

— À lui, l’éclair qui tue.

— À lui, la mer profonde, chantions-nous.

Une idée horrible me vint à l’esprit, que Moreau, après avoir animalisé ces hommes, avait infecté leurs