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l’île du docteur moreau

Je m’avançai sur le seuil. Bientôt, la troupe, à peine distincte dans la vaporeuse clarté lunaire, s’arrêta. Je vis Montgomery administrer une dose de cognac pur à M’ling, et l’instant d’après, les cinq personnages de cette scène n’étaient plus qu’une tache confuse. Tout à coup, j’entendis la voix de Montgomery qui criait :

— Chantez !… Chantons tous ensemble : conspuez Prendick… C’est parfait. Maintenant, encore : Conspuez Prendick ! conspuez Prendick !

Le groupe noir se rompit en cinq ombres séparées et recula lentement dans la distance au long de la bande éclairée du rivage. Chacun de ces malheureux hurlait à son gré, aboyant des insultes à mon intention, et donnant libre cours à toutes les fantaisies que suggérait cette inspiration nouvelle de l’ivresse.

— Par file à droite ! commanda la voix lointaine de Montgomery, et ils s’enfoncèrent avec leurs cris et leurs hurlements dans les ténèbres des arbres. Lentement, très lentement, ils s’éloignèrent dans le silence.

La paisible splendeur de la nuit m’enveloppa de nouveau. La lune avait maintenant passé le méridien et faisait route vers l’ouest ; elle était à son