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l’île du docteur moreau

rant sur les pieds et les mains et parfaitement incapable de reprendre l’attitude verticale. Leurs mains saisissaient plus gauchement les objets. Chaque jour ils se laissaient de plus en plus aller à boire en lappant ou en aspirant, et à ronger et déchirer au lieu de mâcher. Plus vivement que jamais, je me rendais compte de ce que Moreau m’avait dit de leur rétive et tenace bestialité. Ils retournaient à l’animal, et ils y retournaient très rapidement.

Quelques-uns, — et ce furent tout d’abord à ma grande surprise les femelles, — commencèrent à négliger les nécessités de la décence, et presque toujours délibérément. D’autres tentèrent même d’enfreindre publiquement l’institution de la monogamie. La tradition imposée de la Loi perdait clairement de sa force, et je n’ose guère poursuivre sur ce désagréable sujet. Mon Homme-Chien retombait peu à peu dans ses mœurs canines ; jour après jour il devenait muet, quadrupède, et se couvrait de poils, sans que je pusse remarquer de transition entre le compagnon qui marchait à mes côtés et le chien flaireur et sans cesse aux aguets qui me précédait ou me suivait. Comme la négligence et la désorganisation augmentaient de jour en jour, le ravin des huttes, qui n’avait jamais été un séjour