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Loi, des deux marins morts, des embuscades dans les ténèbres, du cadavre dans le fourré de roseaux. Enfin, si peu naturel que cela puisse paraître, avec mon retour à l’humanité, je retrouvai, au lieu de cette confiance et de cette sympathie que je m’attendais à éprouver de nouveau, une aggravation de l’incertitude et de la crainte que j’avais sans cesse ressenties pendant mon séjour dans l’île. Personne ne voulait me croire, et j’apparaissais aussi étrange aux hommes que je l’avais été aux hommes-animaux, ayant sans doute gardé quelque chose de la sauvagerie naturelle de mes compagnons.

On prétend que la peur est une maladie ; quoi qu’il en soit, je peux certifier que, depuis plusieurs années maintenant, une inquiétude perpétuelle habite mon esprit, pareille à celle qu’un lionceau à demi dompté pourrait ressentir. Mon trouble prend une forme des plus étranges. Je ne pouvais me persuader que les hommes et les femmes que je rencontrais n’étaient pas aussi un autre genre, passablement humain, de monstres, d’animaux à demi formés selon l’apparence extérieure d’une âme humaine, et que bientôt ils allaient revenir à l’animalité première, et laisser voir tour à tour telle ou telle marque de bestialité atavique. Mais j’ai confié mon cas