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Page:Wells Ile du Docteur Moreau 1896.djvu/48

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l’île du docteur moreau

J’étais encore affaibli par les jours de fièvre et de jeûne supportés récemment, et je défaillais de besoin, sans quoi j’aurais eu plus de cœur. Je me mis tout à coup à sangloter et à pleurer, comme je ne l’avais plus fait depuis mon enfance. Les larmes me coulaient au long des joues. Pris d’un accès de désespoir, je donnai de grands coups de poing dans l’eau qui emplissait le fond du canot, et de sauvages coups de pied contre les plats-bords. À haute voix, je suppliai la divinité de me laisser mourir.

Je dérivai très lentement vers l’est, me rapprochant de l’île, et bientôt je vis la chaloupe virer de bord et revenir de mon côté. Elle était lourdement chargée et, quand elle fut plus près, je pus distinguer les larges épaules et la tête blanche du compagnon de Montgomery, installé avec les chiens et diverses caisses entre les écoutes d’arrière. Il me regardait fixement sans bouger ni parler. L’estropié, à la face noire blotti près de la cage du puma, à l’avant, fixait aussi sur moi ses yeux farouches. Il y avait, de plus, trois autres hommes, d’étranges êtres à l’aspect de brutes, après lesquels les chiens grondaient sauvagement. Montgomery, qui tenait la barre, amena son embarcation contre la