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l’île du docteur moreau

invariable de ces insulaires. J’entendais le bruit qu’il faisait en aspirant l’eau.

Je m’inclinai en avant pour mieux le voir et un morceau de lave qui se détacha sous sa main descendit bruyamment la pente. L’être leva craintivement la tête et rencontra mon regard. Immédiatement, il se remit sur pied et, sans me quitter des yeux, se mit à s’essuyer la bouche d’un geste maladroit. Ses jambes avaient à peine la moitié de la longueur de son corps. Nous restâmes ainsi, peut-être l’espace d’une minute, à nous observer, aussi décontenancés l’un que l’autre ; puis il s’esquiva parmi les buissons, vers la droite, en s’arrêtant une fois ou deux pour regarder en arrière, et j’entendis le bruissement des branches s’affaiblir peu à peu dans la distance. Longtemps après qu’il eut disparu, je restai debout les yeux fixés dans la direction où il s’était enfui. Je ne pus retrouver mon calme assoupissement.

Un bruit derrière moi me fit tressaillir et, me tournant tout à coup, je vis la queue blanche d’un lapin qui disparaissait au sommet de la pente. Je me dressai d’un bond.

L’apparition de cette créature grotesque et à demi-bestiale avait soudain peuplé pour mon ima-