Page:Wharton - Les Metteurs en scène, 1909.djvu/118

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vieille phraséologie la poursuivait donc ? Il lui fallait pourtant penser à elle comme elle penserait à quelqu’un d’autre, à quelqu’un qui n’aurait plus aucun lien avec la routine familière du passé et dont il faudrait étudier peu à peu les besoins et les habitudes, tel un animal inconnu.

La pendule sonna de nouveau ; il était onze heures cette fois. Julia se leva et se dirigea vers la porte pour aller dans sa chambre. « Sa » chambre ? Une fois de plus ce mot lui parut une dérision. Elle ouvrit pourtant la porte, traversa l’antichambre et monta l’escalier. Elle remarqua en passant les cannes et les parapluies de Westall, puis une paire de ses gants oubliée sur la table. C’était bien toujours le même tapis qui couvrait les marches de l’escalier ; c’était la même vieille gravure française dans son étroit cadre noir qui lui faisait face sur le palier.

L’obstination avec laquelle ces objets s’imposaient à elle devint intolérable. Au fond d’elle-même : un abîme béant ; autour d’elle : la même apparence calme et familière. Elle sentit qu’il lui faudrait s’éloigner pour ressaisir ses pensées ; mais une fois dans sa chambre, elle s’assit sur la chaise longue et se laissa envahir par une espèce de torpeur. Puis, graduellement,