Page:Wharton - Les Metteurs en scène, 1909.djvu/122

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Elle entra dans la salle, où une jeune fille à la bouche insignifiante et aux yeux hardis se hâta de lui débarrasser une table près de la fenêtre.

Cette table était recouverte d’une nappe rouge et blanche, sur laquelle on avait placé, près de la salière remplie de sel grisâtre, un verre grossier d’où sortait une branche de céleri.

Julia se commanda du thé et l’attendit longtemps. Elle était heureuse de se sentir loin du brouhaha des rues, dans cette salle vide. Seules, deux ou trois jeunes filles aux visages pâles et impertinents flânaient dans le fond et bavardaient à voix basse, tout en lui jetant parfois un coup d’œil. Enfin on lui servit le thé dans une théière de métal désargenté. Elle s’en versa une tasse qu’elle but hâtivement. Le thé était noir et amer, mais il agit sur elle comme un réconfortant ; et bientôt Julia s’exalta jusqu’à en avoir le vertige. Mais ce ne fut que pour retomber ensuite dans l’abattement le plus complet.

Elle but une seconde tasse de thé, plus noir et plus amer encore, et de nouveau la lucidité lui revint ; elle se sentit aussi énergique, aussi décidée que sur le seuil de la maison Van Sideren ; mais elle n’avait aucune envie d’y