Page:Wharton - Les Metteurs en scène, 1909.djvu/155

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saveur plus profonde à leur bonheur, comme la nuit donne plus d’intensité au parfum de certaines fleurs ; mais, dans la nouvelle phase où ils entraient, le plus vif désir de Lydia était qu’ils ne fussent plus exposés de cette façon anormale à l’action mutuelle de leurs pensées.

Elle frémit pourtant lorsque la masse illuminée de l’élégant hôtel anglo-américain dressa sur la rive, devant le bateau qui avançait, tout ce qu’il représentait d’ordre social, — liste des voyageurs, services religieux, et douce inquisition de la table d’hôte. Le fait seul que dans quelques minutes, elle figurerait sur le registre de l’hôtel sous le nom de Mrs Gannett semblait affaiblir le ressort de sa résistance.

Ils avaient eu l’intention de ne passer là qu’une seule nuit, en route pour un village perché parmi les glaciers du mont Rose ; mais, dès son premier pas dans la lumière éclatante de la salle à manger, Lydia éprouva le soulagement d’être perdue dans une foule, de ne plus être, pour un moment du moins, le point de mire de Gannett ; et sur le visage de celui-ci elle saisit le reflet de son propre sentiment.

Après le dîner, lorsqu’elle remonta chez elle, Gannett entra par hasard dans le fumoir ; une ou deux heures plus tard, assise dans l’obscurité de la fenêtre, elle entendit en bas le son